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mercredi 21 septembre 2016

courrier de la MIVILUDES à un particulier relatif à la pédagogie STEINER WALDORF

Paris, le 1er juillet 2016 (…)

Monsieur,

Par courriel du 14/12/2015, vous avez appelé l’attention de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) sur la pédagogie Steiner-Waldorf ».

En réponse, je tiens tout d’abord à vous faire connaître que la MIVILUDES n’a pas vocation à définir ce qu’est une secte. Elle a en effet pour mission d’observer et de lutter contre les dérives sectaires. Elle s’intéresse de ce fait aux atteintes pouvant être portées, par tout groupe ou tout individu, à l’ordre public, aux lois et aux règlements, aux libertés fondamentales et à la sécurité ou à l’intégrité des personnes par la mise en œuvre de techniques de sujétion, de pressions ou de menaces, ou par des pratiques favorisant l’emprise mentale et privant les personnes d’une partie de leur libre arbitre.

Conformément au principe de laïcité, la MIVILUDES s’interdit de porter quelque jugement de valeur que ce soit sur les doctrines, les théories ou les croyances en tant que telles, son objet étant de dénoncer systématiquement les dérives sectaires et de lutter contre elles.

Le seul contenu doctrinal n’étant pas suffisant pour caractériser un risque de dérive sectaire, le travail de vigilance et de lutte mené par la MIVILUDES prend appui sur la concordance de certains critères de dangerosité tels la déstabilisation mentale, le caractère exorbitant des exigences financières, la rupture avec l’environnement d’origine, l’existence d’atteintes à l’intégrité physique, l’embrigadement des enfants, le discours antisocial, les troubles à l’ordre public, l’importance des démêlés judiciaires, l’éventuel détournement des circuits économiques traditionnels et/ou les tentatives d’infiltration des pouvoirs publics.

Un seul critère ne suffit pas pour caractériser l’existence d’un risque de dérive sectaire et tous les critères n’ont pas la même valeur. Cependant, le premier critère (déstabilisation mentale) se révèle toujours présent dans les cas de dérives sectaires.

En ce qui concerne votre interrogation, la MIVILUDES reçoit régulièrement des signalements et des témoignages exprimant de fortes inquiétudes et difficultés au sujet des écoles Steiner-Waldorf. Aussi, conformément à notre domaine de compétence et à notre mission ci-dessus rappelés, je tiens à porter à votre connaissance les informations et les éléments suivants.

Rudolf Steiner était membre de la Société Théosophique dont la doctrine est un syncrétisme fait de bouddhisme, de théosophisme et d’éléments d’autres traditions religieuses, il s’en distancia pour créer l’Anthroposophie, mouvement christologique. Cette doctrine est une gnose intégrant des éléments du Nouveau Testament à des contenus classiques de l’occultisme occidental sur fond de croyance au karma et à la réincarnation. La mouvance steinerienne a donné naissance dès 1913 à une Société anthroposophique imprégnée d’ésotérisme et de christianisme hétérodoxe, plus tard de New Age, influente dans de nombreux secteurs : scolaire, à travers de nombreuses écoles Steiner-Waldorf, médical, avec le développement d’une médecine dite « anthroposophique », agricole, au sein de « l’agriculture biodynamique », et bancaire.

Les écoles Steiner ont fait l’objet d’une enquête lors du rapport 2000 de la Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes. A cette date, il a été établi que la pédagogie pratiquée incluait des éléments de la doctrine anthroposophique : par exemple, les enseignants étaient amenés à repérer, conformément à la distinction entre quatre stades de l’humanité, minéral, végétal, cosmique et stade du « Je », à quel stade d’évolution chaque enfant appartenait.

En ce qui concerne la pédagogie elle-même, un rapport de l’Education Nationale rédigé en décembre 1999 faisait état de méthodes fondées sur l’imitation, au détriment parfois de la capacité critique de questionnement. Les contenus des programmes introduisaient quant à eux une confusion possible entre croyance, interprétation et approche scientifique. En effet, l’apprentissage se fondait sur l’évocation imagée et poétique d’une mythologie diffuse : par l’utilisation de symboles, l’enfant était en quelque sorte « éveillé au divin ». Les enseignants n’étaient pas tant choisis pour leur savoir que pour leur parcours de vie et leur figure de « modèles » pour les enfants qu’ils étaient destinés à instruire.

Dans le cadre d’une pédagogie indépendante de toute visée curative, la MIVILUDES n’a pas eu connaissance de cas avérés de dérives sectaires dans les écoles Waldorf-Steiner, mais il semble légitime de s’interroger sur les conséquences possibles de la pédagogie qui y est dispensée, en particulier quant à la transparence de ses références doctrinales et quant au respect de la laïcité et du socle commun de connaissances et de compétences par lequel la loi définit ce que tout élève doit savoir et maîtriser à la fin de la scolarité obligatoire.

Quant à la prétention curative de la pédagogie Steiner, tel le traitement des troubles de l’apprentissage, et de la médecine anthroposophique : les vertus thérapeutiques de celles-ci n’ont jamais été évaluées de manière indépendante, elles ne sont pas reconnues par les pouvoirs publics et sont dénuées de tout fondement scientifique validé.

A partir des signalements reçus nous relevons un ensemble de points préoccupants : le fondement idéologique opaque ; la dissimulation du contenu religieux et spirituel ; des cas d’effets délétères de cette pédagogie sur les mineurs ; l’impact d’une communauté forte, à l’échelle scolaire et entre les diverses institutions anthroposophiques. D’un strict point de vue scolaire, les éléments de dérives récurrents sont la confusion entre le domaine privé et celui de l’école, l’intrusion dans la vie familiale, l’engagement progressif des parents dans la vie de l’école (bénévolat, financier) ; l’absence volontaire de médiatisation du contenu doctrinal et du fond idéologique ésotérique et spiritualiste sur lequel repose la pédagogie Steiner, les constats effectifs de cas de lacunes et retards scolaires (voire psychologiques) des enfants scolarisés dans ces écoles.

De manière générale, la recrudescence de la pédagogie Steiner Waldorf s’inscrit dans un mouvement plus large : la MIVILUDES a pu observer ces dernières années une prolifération d’offres pédagogiques dites « alternatives ». Elles visent en particulier des enfants en difficultés, difficultés scolaires, d’insertion sociale ou encore en situation de handicap.

Le succès de ce type de pédagogies dite « alternatives » s’appuie sur une propagande offensive portée par des associations venant d’horizons très différents qui jettent le discrédit sur l’Education Nationale et militent pour « la liberté d’enseignement », le « droit à la différence », « l’école à la maison », etc. Certaines se revendiquent de méthodes reconnues, d’autres fondent leur communication sur l’amalgame avec ces mêmes pédagogies, d’autres encore ont un caractère davantage fantaisiste et fondent leur prétention pédagogique et scientifique sur des labels et techniques qu’elles créés ad hoc.

Mise à part l’absence d’évaluation pédagogique et scientifique, ce ne sont pas tant les pratiques ou méthodes elles-mêmes qui posent problème que l’utilisation déviante qui peut en être faite. Les dérives sont engendrées par l’amateurisme de certains prestataires, l’absence de formation psychologique ou pédagogique des enseignants ainsi que le manque de recul critique, à la fois pédagogique et déontologique, quant aux méthodes proposées. Les problèmes rencontrés couvrent un panel très large, de ceux que font naître l’amateurisme à la dérive sectaire véritable en passant par le charlatanisme et l’escroquerie des prestataires. Dans tous les cas on relève un même défaut d’information des parents concernant le contenu doctrinal de certaines propositions pédagogiques. La dérive sectaire s’amorce lorsque le groupe, en jouant sur les espoirs et les craintes que conçoivent bien légitimement les parents pour leur enfant, amène ceux-ci à s’enfermer dans une idéologie et rompre avec toute autre pratique ou pensée, s’isolant et isolant leur enfant du monde extérieur, au détriment du développement social, affectif et intellectuel de celui-ci.

Permettez-moi pour conclure d’attirer votre attention sur l’existence d’une Mission de Prévention des Phénomènes Sectaires (MPPS) au sein du ministère de l’éducation nationale qui possède un réseau de correspondant académique. N’hésitez pas à contacter la MPPS pour faire état de vos difficultés ou être mis en relation avec le correspondant de votre académie (…).

Je vous informe également que le ministère de l’Education Nationale a édité une circulaire « Prévention et lutte contre les risques sectaires » (circulaire n° 2012-051 du 22-3-2012) qui caractérise le concept spécifique de dérive sectaire en matière d’éducation comme une perte des chances de s’instruire, et rappelle que, en matière d’éducation comme dans les autres domaines, les droits et intérêts fondamentaux de l’enfant priment et qu’il est du devoir des agents de l’Education Nationale d’effectuer un signalement lorsqu’un risque pèse sur ceux-ci.

La circulaire NOR INT D1407220C du 17 avril 2014 fait de la lutte contre les dérives sectaires dans l’enseignement l’une des orientations du ministère de l’intérieur en cette matière, elle rappelle la possibilité d’exercer un contrôle sur tout type d’établissement, qu’il soit public, privé sous contrat, hors contrat, en présentiel ou à distance et appelle à la coordination des services territoriaux, en particulier à l’échange d’informations entre les services de la Préfecture et l’inspecteur d’académie, directeur académique des services de l’éducation nationale du département.

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